Traces de Vies 2009


Très petite sélection
de quelques films que vous pouvez voir
du 23 au 29 novembre au festival TRACES DE VIES.

 


 

 

Terre d’usage

Marc-Antoine ROUDIL et Sophie BRUNEAU

En présence des réalisateurs et de Pierre Juquin

« Quelles sont les forces qui travaillent un territoire ? », pourrait être la question de départ du film. Prenons l’Auvergne pour exemple. Un territoire avec son histoire, ses mythes, ses pratiques, traversé à la fois par les enjeux du monde et de la nation française. Comment ce territoire réussit-il alors à « digérer » ce qui vient d’ailleurs et à participer de l’identité nationale ? Ni géographique, ni paysager, un récit en mouvement guidé par un marcheur, Pierre Juquin. Natif d’Auvergne et y vivant aujourd’hui, cet homme nourri d’humanisme et de culture classique, mûri par les joutes politiques, a connu un destin national (candidat rouge-vert aux présidentielles de 1988). Il nous conduit dans ce territoire imaginé en se racontant parfois, se faisant passeur lors de rencontres, absent d’autres fois. Il articule à sa façon les thématiques qui traversent le film : la République, le capitalisme et les guerres. Son parcours politique, en fait un grand témoin au questionnement toujours vivace. Un territoire s’identifie, pour certains à ses grandes cérémonies, pour d’autres à un engagement de terrain ou de résistance. Mythes, identités, diversité des figures contredisent la croyance en l’unité, en un visage unique. D’ailleurs le film souligne beaucoup l’enrichissement de ce territoire par les migrations. En contrepoint de ces grandes questions liées à la notion de territoire, vu à partir et à travers l’Auvergne, il y a des rencontres, comme celle de ce retraité Michelin d’origine algérienne au coin de son jardin.

« C’est un récit de vie en soi, un plan séquence de six minutes où, sous nos yeux, la personne nous échappe et devient personnage… »

S. Bruneau, M.-A. Roudil.

Terre d’usage, une construction en mosaïque qui se regarde comme telle : on s’arrête sur une rencontre, on opère des liens, on crée des rapports à travers un jeu de résonances. Jusqu’au moment où le barnum du Tour de France descend un col désertique avec ses monstrueuses figurines de la mondialisation publicitaire.

Pas de doute, le territoire est bien un morceau du monde…

lundi 23 novembre - 20 h 30 - Salle Jean Cocteau Durée : 111 mn

 

Une petite maison dans la cité

Isabelle INGOLD

En présence de la réalisatrice

Un projet se prépare dans la cité, tout le monde s’affaire. En toile de fond les HLM de Chelles, en Seine-et-Marne, qui ont connu en 2005 des moments de violence comme d’autres quartiers. Devant ce décor planté, un espace de verdure et d’arbres. Ici sera le futur théâtre des opérations, l’espace du film est posé. Ce projet consiste à faire construire par des familles de la cité sept pavillons individuels qu’elles occuperont par la suite comme locataires. Seules conditions pour les candidats : être allocataire des minima sociaux et accepter de s’initier à un métier du bâtiment. Une aventure qui crée toute une dynamique dans le quartier : le chantier est visible, la parole circule, les jeunes commencent à demander s’il n’y a pas de travail pour eux. Une insertion-construction qui fait bouger bien des choses.

Durée : 60 mn

 

Qu’elle était belle mon usine…

Nicolas DUPUIS

L’ancien ouvrier syndicaliste reclassé assure maintenant la surveillance de l’immense parking de l’usine pratiquement désert. Un autre, au chômage, regarde de loin les ateliers que des bulldozers commencent à grignoter. D’autres ont accepté de prendre la navette chaque jour pour aller travailler près de Tours dans un autre site Michelin.

Quatre cent quatre-vingt-dix personnes travaillaient à Poitiers quand, en juin 2005, le premier groupe de pneumatiques au monde a décidé la fermeture du site. Quatre ans plus tard, il n’y reste qu’une soixantaine d’employés pour assurer la logistique. L’usine de Jouélès-Tours située à plus de cent kilomètres, où Michelin a reclassé les volontaires, licencie à son tour. Une centaine d’ouvriers restés sur le carreau sont toujours en procès avec la manufacture. Un grand groupe industriel au temps du capitalisme financier ou comment s’articulent fermetures d’usines, transferts de postes et délocalisations à l’étranger.

Durée : 52 mn

 

Habitons la terre

Alexandra FERDINANDE

« - Qu’est-ce qu’on fait là ?

- C’est bizarre quand on touche…

- C’est comme ça qu’on fait une maison ? »

En août 2007, lors d’un atelier, des enfants s’observent, trifouillent, les mains dans la terre. Ils se plongent finalement dans la construction de leur maison pour créer un village cosmopolite de terre.

Durée : 12 mn

 

Ananas

Amos GITAI

En 1983, Amos Gitai travaille pour des télévisions européennes. Il réalisera deux documentaires en Asie, qui abordent les processus et les effets de la mondialisation. Longue investigation, Ananas est, malgré son origine, d’inspiration davantage cinématographique que télévisuelle. L’enquête est menée avec un regard ample et un ton mêlé de rigueur et d’ironie.

Le film étudie le développement d’une multinationale « Castle and Cook compagny », plus gros producteur mondial d’ananas, après l’absorption des entreprises concurrentes. De San Francisco à Hawaï, en croisant les Philippines et le Japon, on suit le trajet de l’ananas. Castle et Cook, étonnamment, étaient missionnaires et ont fondé les premières plantations pour mettre au travail les populations locales. Amos Gitai montre que, dans la même veine, l’exploitation de ce fruit est reliée à des multinationales alliées à des régimes autoritaires ou militaires et s’attarde dans la rencontre avec ces ouvriers du travail mondialisé.

Durée : 78 mn

 

Cheminots

Luc JOULÉ, Sébastien JOUSSE

« On se sentait responsable du transport des gens… garant de leur sécurité et de la ponctualité des trains ». Assurément leur grande famille c’était la SNCF : une œuvre commune et le sentiment d’appartenir à un service public. Les cheminots, interrogés dans la région Provence Alpes Côte d’Azur, ne veulent pas « avoir la nostalgie du passé mais la mémoire du passé ». Cette mémoire qui prend sa source dans les volutes du train à vapeur arrivant en gare de la Ciotat et qui s’enrichit d’un glorieux passé de Résistance avec la Bataille du rail de René Clément. Guichetiers, hôtesses d’accueil, conducteurs, motoristes, chefs d’escale, régulateurs du trafic… parlent de la solidarité, de l’attachement au travail bien fait, de la culture de l’entreprise et de sa transmission. Avec la privatisation du fret de marchandises, en attendant celle du transport des voyageurs en 2010, avec l’éclatement de l’entreprise en une multitude d’activités et la priorité donnée au TGV, les cheminots sont poussés vers l’individualisme et leur travail perd de son sens. Le réalisateur Ken Loach dans The Navigators a d’ailleurs bien démonté le scénario du libéralisme en Angleterre, avec ses conséquences sur la sécurité des personnels et des voyageurs. Éclairant pour tous ceux qui sont récemment restés en rade dans un train, en pleine campagne ou sur le quai d’une gare, ou ont raté une correspondance.

Durée : 81 mn

 

Jacky Jay, chemin des jardins

Stéphanie RÉGNIER

Jacky Jay a bâti sa maison parmi les potagers du village, sur un terrain non constructible. Il se sent adopté par les gens du village qu’il a retrouvés après une « enfance placée ». Sa construction est donc tout à fait tolérée. « Il souhaite agrandir le chalet dans l’espoir d’y accueillir un jour une femme et des enfants. Un week-end sur deux il va chercher son frère Christophe au CAT “Centre d’Accueil pour Enfants Sauvages” » dirait Christophe, venu donner un coup de main à son frère. Le film se construit autour de leur récit de vie et de l’agrandissement de la maison.

Durée : 15 mn

 

En comparaison

Harun FAROCKI

L’homme construit sa maison. C’est un fait universel. Les cultures les plus techniquement démunies bâtissent avec l’adobe, ce parallélépipède d’argile et de paille simplement séché au soleil. On dispose, ailleurs, des énergies et techniques permettant de cuire des volumes considérables de terre, et cet élément devient ce que nous nommons une brique. Du Burkina-Faso à la Suisse, en passant par l’Inde, le Sud-Ouest de la France et l’Allemagne, la caméra d’Harun Farocki explore les diverses occurrences de fabrication et de mise en œuvre du matériau. Il n’y aurait là que trivial document sur l’évolution technique, si la subtilité du regard et du montage ne nous ramenait, par l’usage de la comparaison chère aux ethnologues – et sans autre forme de commentaire – vers l’idée que l’évolution des cultures a été buissonnante au lieu de linéaire, comme on aime à le penser. En juxtaposant l’image de cet employé surveillant une armée de robots dans la solitude glaciale d’une usine allemande hight tech et celle de ces femmes burkinabaises travaillant la terre dans un mouvement des corps harassant, mais rythmé de leurs chants et de leurs rires, on laisse le spectateur se demander si ce que la société gagne sur un plan, elle ne le perd pas sur un autre…

Durée : 61 mn

 

Reviens demain

Eytan KAPON, André ITEANu

André Iteanu, ethnologue, revient dans un village de Papouasie-Nouvelle-Guinée où il a été, dans les règles de la coutume, adopté par une famille il y vingt-cinq ans lors de son premier séjour. Le réalisateur qui a déjà tourné un film dans le village, l’accompagne pour suivre le déroulement des élections législatives. Depuis quelques années, la monoculture des palmiers à huile a enrichi le village mais en a fragilisé l’équilibre économique et social et a apporté de nouvelles violences. Les habitants espèrent beaucoup de ces « Blancs » parés des meilleures intentions qui possèdent le « savoir du business » et « savent gérer l’argent ». Les villageois se considèrent abandonnés par leurs gouvernants : « Quand on va voir nos ministres ils disent toujours : reviens demain », explique l’un d’eux. Ils font campagne pour un candidat local . Celui-ci pourra-t-il résister à la force de conviction et à la démagogie du candidat de la ville qui, soutenu par le clergé, se fait fort de lever la malédiction qui pèse sur les habitants de la région ? « Tu viens et tu t’en vas », dit le père adoptif. Après le départ de l’ethnologue et du cinéaste, quels lendemains se préparent et quels espoirs de retour de ces « Blancs » peuvent avoir les villageois ? Ils s’interrogent et demandent des comptes. Un questionnement sur le rôle de l’ethnologue, sur la démocratie, sur le développement économique et sur l’avenir d’une civilisation.

Durée : 79 mn

 

L’art délicat de la matraque

Jean-Gabriel PÉRIOT

Jeune réalisateur, Jean-Gabriel Périot construit souvent à partir d’archives - photographies, films, fichiers Internet - une œuvre de réflexion sur le statut polymorphe de la violence dans nos sociétés. Après Eut-elle été criminelle sur les dérives de la Libération (2006) et 200 000 fantômes sur Hiroshima (2007), nous découvrons ici l’élégance de « l’Art policier ». Une gestuelle inégalable !

 

Durée : 4 mn

 

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